Précepte 5 : le respect de son corps et de son esprit

Critère apparent de cette invitation : tout ce qui altère notre capacité consciente est à éviter. On se rend compte que dans cette case il y a beaucoup de choses. Au travers de notre propre expérience, peut-on toucher du doigt le fait que beaucoup de dangers nous guettent sur notre chemin ?

Par exemple : l’alcool. « Je bois trop, je perds mon libre-arbitre, ma conscience, je me mets en vrac ». Idem pour la drogue… On peut aussi s’intoxiquer l’esprit avec toutes sortes de trucs, comme les jeux vidéo, Internet, etc… On s’aperçoit que tout, absolument tout, si c’est investi avec plus que de l’excès, peut nous conduire à l’addiction. L’addiction c’est toujours le signal d’une fuite destinée à cautériser, croit-on, un mal plus grand. Pourquoi, je me réfugie dans l’addiction à l’alcool, par exemple ? Parce que, quelque part, j’ai un fond malheureux, et je ne guéris rien, au contraire j’aggrave.

Qu’est-ce qui fait que je peux avoir des idées suicidaires et qui viennent en boucle m’habiter, me ronger, et me faire gagner des zones de désespoir dans lesquelles je peux éventuellement me complaire ?

Ce précepte, exprimé à l’ancienne (dans les préceptes de l’Inde et de la Chine), c’était : « Ne faites pas commerce du saké », ce qui signifiait : « Ne gagnez pas votre vie en vendant le vin de l’illusion ». C’est très puissant lorsqu’on s’interroge là-dessus, parce que si on appliquait cette règle à notre société, cela pourrait changer beaucoup de choses qui ne sont pas très légitimes, pas très authentiques, plutôt futiles, et qui font tourner un gros business. C’est très intéressant, parce que c’est aussi un peu à recouper avec ce que l’on a dit à propos de « Ne pas dire ce qui n’est pas vrai ». Il est nécessaire de s’interroger sur ce qui est mensonger, car ce « mensonger » est une intoxication de l’esprit d’autrui. Ce n’est pas seulement mon auto-intoxication du corps et de l’esprit qui est en jeu, en picolant ou en me droguant, c’est aussi l’intoxication d’autrui. L’invitation consiste, non seulement à être lucide et confiant en soi-même dans les tentations à l’intoxication, mais aussi veiller à ne pas intoxiquer les autres.

Cela part de l’idée que notre bien le plus précieux, c’est notre conscience claire, sa limpidité, la condition de notre intelligence au monde, notre vibration à la pleine présence, l’intensité à nos émotions profondes, et notre aptitude à vivre au plus près de la réalité. Cela nous engage à aller regarder ce qu’est la conscience. C’est un concept assez difficile à définir.

La conscience est une aptitude réflexive ; elle est capable de conscientiser elle-même : « J’ai conscience de ma conscience ». Elle a cette capacité à être un miroir de la réalité, c’est-à-dire de me faire prendre conscience, par exemple, que je suis dans la rêvasserie, l’imaginaire, les vidéos mentales. Donc, la claire-lumière, comme disent les Tibétains, c’est cette capacité à me rendre compte de ce qu’est réellement « ici et maintenant », de ce qu’est vraiment la réalité des choses – et non mes idées, à propos des choses. Les idées existent, mais elles ne sont qu’un pâle reflet, souvent déformé, des choses telles qu’elles sont.

L’apprentissage de la philosophie bouddhiste, c’est de s’arrimer au plus près de la réalité telle qu’elle est. D’après les études récentes, cette faculté apparaîtrait chez le petit être humain, à compter de 18 mois, c’est-à-dire à partir du moment où on considère qu’il a conscience de lui-même et des autres. On peut déjà observer, que c’est directement dépendant du développement cérébral harmonieux (non maladif), ce qui n’est pas gagné. Le fait d’avoir un cerveau harmonieux qui autorise une conscience avec les capacités les plus élevées, est une chance extraordinaire que tout le monde n’a pas. Il est très important de s’en souvenir, non seulement pour s’en réjouir, mais pour le diffuser.

Cette aptitude de la conscience, c’est l’aptitude la plus haute, ce que Dogen appelle Shõbõgenzõ, que l’on a traduit par Trésor de la vraie et authentique loi au sens de Dharma« , et que je préfère traduire par Le joyau de la vision claire, qui me semble plus évocateur : c’est le vrai trésor ! Dharma signifie à la fois : un enseignement, la réalité telle qu’elle est dans toutes ses facettes.

Ce trésor-là, au travers de cette suggestion et de cette invitation au respect de son intégrité, on ne peut pas l’abîmer, de quelque manière que ce soit. C’est ça l’invitation profonde ; c’est prendre soin de cette capacité de conscience, autant que l’on peut, avec toute notre meilleure énergie.

Ce qui est le plus compliqué, ce sont les prises de conscience. Beaucoup parlent d’élévation du niveau de conscience, ce qui donne l’impression que certains sont éveillés et d’autres ne le sont pas (et se traduit par une certaine arrogance de ceux qui se croient plus éveillés que les autres), alors que tout le monde l’est. C’est très important, et je tordrai toujours le cou à toutes les postures d’arrogance d’où qu’elles viennent (y compris de l’Ecole du Zen ou des Tibétains ou autres), alors que dans la voie du Bouddha, il est dit : « Absolument tout le monde a cette capacité ; ce petit joyau à l’intérieur de soi ».

Je vous rappelle la petite histoire que j’aime beaucoup :

  • Quelqu’un se lamente parce qu’il se croit pauvre. En fait, son père lui a cousu un diamant dans sa veste, mais il ne le sait pas.

Nous avons tous un diamant cousu à l’intérieur de notre veste, mais nous nous croyons toujours en manque de quelque chose, parce que nous n’avons pas conscience de notre richesse. Mais quel est l’ennemi qui affecte ou altère cette conscience ? C’est toujours l’imaginaire ! Le Zen nous engage à observer avec attention le mental qui tourbillonne, qui se comporte comme un petit tyran, et de faire le point : « Où j’en suis ? Qu’est-ce qu’il me joue le petit dictateur intérieur ? Et pourquoi j’obéis » ? Cette posture qui consiste à se poser, à regarder, à prendre de la distance, c’est déjà quelque chose de très précieux : « Quel type d’expérience j’ai engrangé ? Quel type de culture j’ai enraciné » ? C’est une véritable étude de soi-même.

Un jour, en discutant :

  • Cette fille, j’y tiens.
  • Tu y tiens, donc ça te tient (debout, sous-entendu).

« Je tiens à cette fille, parce que ça me tient ». Le process de structuration c’est : « J’ai besoin de cet autre, au sens d’un besoin, presque pour me tenir debout ». Donc, ça devient une relation utilitaire. Est-ce que je suis suffisamment conscient de ça ? Non ! Maître Eckhart (Allemagne vers 1260 – Avignon 1328) a une phrase de sagesse magnifique : « Je t’aime, parce que je n’ai pas besoin de toi ». On peut être deux à tenir debout tout seuls, et on va se conjuguer afin de s’aimer l’un l’autre, et non pour ce que cela investit en retour. Si : « J’attends de toi ce que j’escompte que tu m’apportes », je confonds l’amour avec l’amour-propre.

Je travaille un texte du Shōbōgenzō sur La voie des Patriarches bouddhistes. J’ai été très frappé qu’à un moment, Dogen dit : « Les Patriarches font un effort ». Ça paraît bizarre ! Quand je les regarde, je n’ai pas l’impression qu’ils font un effort ! Tout leur a été donné ! Nous, on est des pauvres travailleurs laborieux de l’éveil, alors qu’eux, ils font ça naturellement ! Eh bien, cet effort de la conscience est proportionnel au fait de se poser, de regarder, de faire de l’introspection.

Donc, cette conscience ne peut, ne devrait pas être détériorée de quelque manière que ce soit. On voit tout de suite qu’il y a un paradoxe, parce qu’il se pourrait bien, que c’est en expérimentant ce qui l’altère et l’abîme, c’est-à-dire en allant dans les zones d’inconfort, que sa véritable valeur ou acuité prenne sa meilleure place. C’est quand je risque de la perdre, que je me rends compte combien cette conscience est précieuse. Elle ne prend sa valeur, que lorsque j’expérimente…

  • Nous avons eu un pratiquant qui, un jour, est venu me dire avec beaucoup d’humilité qu’il ne pouvait plus travailler, parce qu’il s’était abîmé le cerveau avec duhaschich ; par moments il était très bien, tenait des propos très intelligents, et à d’autres il était complètement azimuté.

J’en ai parlé avec une amie magistrate qui, à l’époque, après avoir « fait » les divorces à Lyon, « faisait » à Toulon, le juge des libertés et de la détention. Il y a un juge d’instruction qui ne met plus en prison. C’est un jugement différent qui décide d’embastiller les gens ; une des fonctions de ce juge (post juge d’instruction), ce n’est pas seulement de mettre les gens en prison, mais aussi de vérifier qu’il n’y a pas d’internements abusifs dans les asiles psychiatriques. Cela ne se sait pas, mais c’est contrôlé, ce qui est précieux dans une démocratie.

Cette amie magistrate m’a dit : « Tu ne peux pas t’imaginer, le nombre de jeunes destructurés, qui sont comme des zombies, au travers de la drogue à haute dose. Pas récréatif comme une clope ou un verre de bière un samedi soir, mais à haute dose. C’est là que la vigilance est au rendez-vous.

Comment je fais, pour passer du simple récréatif, à ce qui va me magnétiser vers l’addictif et l’abîme ? C’est un peu comme quand on est mentalement fasciné par les scenarios du pire : « J’ai une idée noire, elle est fausse, je la tournicote tellement que je la prends pour vraie, comme un mirage ». Rappelez-vous ce que l’on évoquait tout à l’heure : plus je la rumine mentalement, plus elle prend de l’ampleur et de la résistance, et moins je suis conscient du monde extérieur.

C’est pour cela, que Dogen et les autres disent : « C’est quoi la voie du Bouddha ? Ce sont les graviers, les tuiles, les piliers, les arbres, les feuilles ». Ce n’est que ça ? C’est vachement important ! C’est ça qui va me permettre de me rendre compte que mes vidéos mentales sont un monde faux, un monde qui n’existe pas.

Cette prise de conscience est radicale ; c’est comme ce qui est chanté dans Le cœur de la Grande Sagesse : « Vous faites table rase ? Amusez-vous à faire table rase ».

  • Et qu’est-ce que je deviens moi ?
  • Le saut dans le vide, le lâcher prise ; je ne tiens plus à rien.
  • Aaahhh ! Qu’est-ce que je deviens ? Au moment de la réflexion, j’ai comme un sentiment d’urgence.

A partir du moment où on a pu expérimenter que via la pratique, il y a des choses qui changent en termes de clarté, ce sentiment d’urgence se traduit par ce que disent les Anciens : « Pratiquer comme si on avait un feu à éteindre sur sa tête, avec la même urgence ».

Qu’est-ce qu’on attend, et pourquoi tergiverse-t-on ? C’est une question à laquelle je ne peux pas encore répondre. Il y a toujours de bonnes raisons : « Je pars en week-end ». Est-ce qu’on mesure suffisamment l’importance de l’enjeu ? Il ne semble pas. Les Bouddhas et les Bodhisattvas, eux, ne tergiversent pas !

Qu’est-ce qui affecte la clairvoyance, la conscience et la clarté d’esprit ? Quelles sont les mille modalités d’altération de la conscience ? Le sommeil (quand je dors, je ne suis pas conscient ; parfois oui, de temps en temps, mais souvent non), la léthargie, l’anesthésie, le coma, la mort…

En partant de l’idée que le cerveau s’autorise une conscience à partir de 18 mois parce qu’il y a une maturité, si j’enlève le cerveau (c’est-à-dire si je suis ce que l’on appelle aujourd’hui dans un état de mort clinique), où est la conscience à ce niveau-là ? Cela devient de la métaphysique ; à chacun ses conceptions plus ou moins théistes d’une âme après la mort…

Philippe Cornu (Paris 1957), Président de l’UBE (Université bouddhique européenne), considère que la conscience est infinitésimale, mais elle existe à l’état microscopique. Il dit que la conscience est essentiellement organique ; ce qui compte c’est « Ici et maintenant ». Le temps de la conscience c’est le temps de la vie, c’est le temps de maintenant ».

J’ai récemment subi une anesthésie : après la piqûre je ne sais pas où je suis… Puis je reviens… C’est déjà fini ! Black-out ! Quel est mon état de conscience pendant ce temps-là ? Quand j’essaie de me rappeler, il n’y a aucun souvenir. J’ai plutôt l’impression, que la conscience est étroitement associée à ma capacité cérébrale d’être harmonieusement organisée, sans chimie physique et sans chimie hypnotique (habileté suggestive qui a la capacité de faire perdre de la conscience). Il est important de faire rentrer dans son cône de lumière : « Qu’est-ce qui m’influence et qu’est-ce qui m’hypnotise » ?

Sommeil, léthargie, anesthésie, coma, mort… Nous avons déjà évoqué le fait que la mort c’était notre état normal. C’est une de mes grandes certitudes, non seulement pour que, par contraste, on savoure l’existence et la conscience, mais aussi parce que c’est une vérité profonde. On a le temps de notre vie ; avant et après, c’est une pure supposition, c’est-à-dire notre capacité imaginaire. Après, on sait pas… Et ça dure longtemps… Peut-on concevoir le big-bang ? Quand on regarde une étoile, dont la lumière se déplace à 300 000 kilomètres à la seconde, peut-on concevoir qu’elle est éteinte ? La science qui autorise cette affirmation avec des recoupements rationnels, c’est quelque chose de génial. La connaissance est une curiosité humaine, dans le sens que jamais un clébard n’aura la conscience d’une étoile, parce qu’il lui manque des circuits neuronaux.

Il y a les maladies mentales qui sont des obstacles, c’est-à-dire des altérations. Je vous les cite :

  • Alzheimer – C’est terrible, quelqu’un que l’on aime et qui ne vous reconnaît plus. Etat d’inconscience ou intermittent : « Je te reconnais un coup, je ne te reconnais pas le suivant ». Cela s’appelle l’anosognosie : absence de prise de conscience ou conscience amoindrie des troubles.

Eh bien, nous sommes souvent dans cet état d’anosognosie, c’est-à-dire nous n’avons pas suffisamment conscience, ou une conscience amoindrie, de nos propres troubles.

  • Schizophrénie.
  • Paranoïa.
  • Dépression.
  • Epilepsie.
  • Hystérie.

Tout ça, c’est le registre des psychoses et des névroses. Je me suis amusé à faire un topo sur les troubles de la personnalité, qui sont aussi des altérations, et j’ai eu la stupéfaction à plusieurs reprises, de m’y reconnaître :

Groupe A

  • Personnalité paranoïaque: Caractérisée par la méfiance et la suspicion. Le paranoïaque interprète les motivations d’autrui comme malveillantes : « On me veut du mal ». Cela induit une posture au monde extrêmement particulière : « Je me méfie de tout le monde ».
  • Personnalité schizoïde : Caractérisée par un détachement des relations sociales (schilo = divisé, séparé) et un éventail restreint des expressions émotionnelles. Une personnalité schizoïde est un monstre froid. Pas d’affect, pas d’émotion.
  • Personnalité de type schizotypique : Caractérisée par un malaise aigu dans les relations de proximité, et des distorsions graves cognitives ou perceptuelles, qu’on retrouve dans des excentricités de comportement ou dans les phases maniaques du maniaco-dépressif. Altération de la conscience.

Groupe B

  • Sujets d’apparence théâtrale, qui peuvent être de gros émotifs ou de grands instables. Ce sont des personnalités anti-sociales, caractérisées par l’irrespect et la violation des droits des autres individus.
  • Personnalité limite borderline : Caractérisée par une instabilité des relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects, d’une impulsivité prononcée ; c’est notamment la phase dépressive des maniaco-dépressifs.
  • Personnalité histrionique ou hystérique : Caractérisée par une hyperémotivité et une quête d’attention excessive.
  • Personnalité narcissique : Caractère pompeux et égocentré. S’exprime par des fantaisies ou comportements grandioses. Besoin d’admiration et manque d’empathie.
  • Les pervers narcissiques jouissent de faire du mal à autrui. C’est une vraie psychose, parce qu’ils vivent la souffrance qu’ils infligent, comme une nourriture. C’est pour cela qu’on les a comparés à des vampires. C’est une véritable maladie mentale qu’il est très difficile à soigner.

Groupe C

  • Les sujets craintifs ou anxieux, donc personnalités évitantes. Ils sont caractérisés par une inhibition sociale, sentiment d’inadéquation, de ne pas être à la hauteur. Hypersensibilité à l’évaluation négative d’autrui ; ils s’effondrent dès que quelqu’un dit du mal d’eux.

On voit que la ressource du Zazen va contribuer, en fin d’expir dans le hara, à fabriquer tout doucement, une meilleure stabilité émotionnelle.

  • Les sujets dépendants, sont caractérisés par un comportement de soumission et d’accrochage collant, associé à un besoin excessif que l’on s’occupe d’eux, notamment les dépendants affectifs ; c’est souvent le cas des enfants qui ont eu une enfance de mal-aimés ou se sentant mal ou pas aimés.
  • Les personnalités obsessionnelles et compulsives, se caractérisent par une préoccupation concernant la discipline, l’ordre, le perfectionnisme et le contrôle.

Dans toutes ces catégories, le symptôme c’est la difficulté d’établir un lien avec les autres. Cela se manifeste par : sautes d’humeur, comportement à risque, impulsif ou destructeur, anxiété, dépression, sentiment de peur, de solitude. Sentiment d’abandon, sensation persistante de vide, de désespoir, haine de soi, toxicomanie. Il peut y avoir (les chercheurs n’en sont pas encore sûrs) une interaction génétique et comportementale. C’est l’éternel débat entre l’inné ou l’acquis . Il y a certainement une interaction. On a donc beaucoup de mal aujourd’hui, à déterminer ce qui est prépondérant : la société ou la génétique ? La réponse se trouve probablement du côté de la sagesse bouddhiste : « Corps et Esprit ne font qu’un » ; ce que l’on croit être une pure information informelle, attaque directement notre support matériel génétique.

Il y a mille modalités d’altération de la conscience : la distraction, les états confusionnels, les dissociations (prendre le faux pour le vrai)… 10 % de la population française souffre de psychoses et de névroses aggravées par le COVID et le confinement.

Devant la foule de fausses informations dont nous sommes bombardés, il est important de mettre en œuvre notre capacité consciente, intelligente, à recouper des informations, parce qu’on peut nous dire de gros bobards. Prenons conscience des mécanismes de bourrage de crâne et de matraquage. En quoi suis-je libre, quand je suis inféodé comme un mouton de troupeau, à une quelconque forme de propagande ?

En médecine, les altérations mentales sont mesurées par le score de Glasgow (indicateur de l’état de conscience).

Une personne en hypoglycémie grave ou en malaise vagal, peut « tomber dans les pommes ». Dans ce cas, elle se trouve dans un mode momentané de non-conscience, c’est-à-dire que le ressort autonome de son système nerveux est intervenu : « Débranche, parce que tu ne peux plus, et tu ne peux plus, soit parce que tu as un déficit de glycémie, soit parce que ton système nerveux est fragilisé par la fatigue ; donc, tu arrêtes de faire des efforts et tu te reposes ».

Je passe sur drogue, alcoolisme, sexe, addictions diverses, télé, numérique, portable, ordinateur, tiercé, casino, vidéo porno, nourriture… A fortes doses, tout cela produit des altérations potentielles de la conscience.

Il y a aussi l’apathie (les Tibétains aiment bien l’expression « opacité mentale ») ; les apathiques ont une conscience comme tout le monde, mais quelque chose fait qu’ils ont une sorte de peau de saucisson devant les yeux ou de bouchon dans les oreilles. Jésus disait : « Vous avez des oreilles pour entendre et des yeux pour voir, eh bien servez-vous en ». Les Bouddhistes disent la même chose !

Les altérations de la capacité consciente, ont parfois des origines pathologiques, comme la démence par exemple. Ce n’est pas la faute du sujet, c’est triste, mais la seule solution c’est l’hôpital psychiatrique, car sa maladie le rend asocial et dangereux. La chronique est parfois défrayée par de malheureux infirmiers en psychiatrie qui se font blesser, voire tuer, par des malades. Cela pose la question de la responsabilité. C’est très difficile pour la famille de la victime, d’admettre qu’un fou n’est pas responsable, et qu’il n’y a pratiquement pas de recours.

Jusque dans les années 80, il n’était pas rare, qu’un mari au bras long, fasse interner sa femme, en la faisant passer pour folle, d’où la création du juge des libertés et de la détention.

C’est un progrès par rapport à la lettre de cachet qui permettait d’embastiller des gens que l’on s’empressait ensuite d’oublier.

Il y a une grosse distinction à faire entre les différentes causes d’altération de la conscience, mais il est important d’aller visiter les maladies mentales lourdes qui conduisent à l’asociabilité, bien qu’aujourd’hui, les psychiatres œuvrent pour resocialiser leurs patients, comme une tentative de thérapie. C’est une responsabilité terrible : privilégier la défense sociale, ou prendre le risque de la récidive.

Les origines d’altération de la conscience sont diverses et variées. Puis, il y a l’intoxication à laquelle tout un chacun peut être confronté, c’est-à-dire : le sommeil, la léthargie, l’anesthésie, l’hypnose, les vidéos mentales, la rêverie, le vagabondage…

Il y a un côté un peu plus désespérant dans les maladies mentales avérées, bien que l’on peut essayer de considérer qu’avec le principe de neuroplasticité cérébrale on pourrait améliorer pas mal de choses, mais ce n’est pas encore très bien câblé. On sait par exemple réparer la fracture d’un os, mais on ne sait pas très bien réparer les connexions neuronales.

Pour terminer, nous allons aborder les altérations volontaires de la conscience d’autrui, ce qui est assez peu étudié dans le précepte.

« Ne pas s’intoxiquer le corps et l’esprit, cela veut dire aussi, « ne pas tenter d’intoxiquer le corps et l’esprit des autres », en utilisant l’emprise, le mensonge, l’escroquerie, la manipulation. Cela mérite d’être souligné, parce qu’en effet, nous sommes parfois, sans le vouloir, des propagateurs de fausses informations. La posture juste, c’est la suspension… En cas de doute, le silence est une réponse. Le Zen dit : « Mieux vaut un silence qu’une parole inutile ». En pratique : « Je laisse passer, je suspens », plutôt que de céder à l’impulsivité immédiate de mon jugement tout fait. Je regarde, je regarde, je regarde….., je laisse filer…., et quelque chose s’apaise.

Et tant pis si, quelque part, je ne comprends pas tout ! Tant pis si mon mental exigeant qui veut tout organiser, tout comprendre, tout enrégimenter, n’y trouve pas son compte ! Ce n’est pas grave, parce que, moins je vais investir ce côté-là, plus je vais m’ouvrir à la bienveillance et à la relation vraie avec autrui. Le constat, c’est que l’état de clarté d’esprit aigüe est rare.

Si on peut, par exemple pour certaines maladies mentales (dépression, stress, épilepsie, hystérie…) donner des soins appropriés qui permettent d’améliorer l’état de la personne, un certain nombre de maladies altérantes de la conscience, ne disposent malheureusement que de soins limités. La vraie question c’est : Comment éviter ces états que l’on peut qualifier « d’agression cérébrale » ?

Il y a des agressions physiques (comme un traumatisme crânien, ou bien la chimie de l’anesthésie dans le cerveau), puis il y a des agressions mentales. Là, nous allons rejoindre un autre précepte que nous verrons plus tard, qui s’appelle : « Ne pas se mettre en colère – Les états de colère sont des agressions pour le cerveau d’autrui« . Cela consiste, par une vraie pratique de « laisser passer », à ne pas engendrer des colères qui vont être des agressions pour le cerveau d’autrui ; le cerveau d’autrui ne mérite pas d’être agressé.

Cela engage à se demander consciemment : « Qu’est-ce que je fais, et par quel type d’énergie suis-je mobilisé, mû et ému » ? C’est-à-dire : « Qu’est-ce qui me touche, au point de me déverser sur le cerveau d’autrui, sans me préoccuper des dégâts que cela peut provoquer » ?

Sur l’abstention de manipuler, Dogen est extrêmement précieux. Dans le merveilleux texte qui s’appelle Ju-Un-Do Shiki, que l’on a traduit par Les règles du nuage lourd, il commence en disant : « Lorsque l’appel de la voie a secrètement germé dans votre cœur, immédiatement, on devient indifférent aux appétits de lucre et aux trompettes de la renommée ». Ce qui veut dire : « Notoriété et profit », nous glissent dessus.

On peut observer dans notre monde, que toutes les manigances et les manipulations politiques, sont à visée de pognon et de prise de pouvoir.

La manipulation est une forme d’intoxication de l’esprit d’autrui (voir Machiavel, Napoléon, et tous les autres). Cela ne donne pas un monde pacifique, un monde vivable, mais un monde tel qu’on le voit malheureusement aujourd’hui, qui est en tension, en guerre, en méfiance. On est dans une posture où l’on se prépare à « se foutre sur la gueule ». Malgré ce qui s’est passé à Hiroshima, on continue à fabriquer des arsenaux nucléaires capables de faire exploser la planète. Quelle en est la bonne raison ?

Prenons conscience que le but de la manipulation est d’acquérir, soit de l’argent, soit du pouvoir ! Et ça, c’est mis en exergue par les Bouddhistes !

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