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03 – Le Sikhisme

Nous allons aujourd’hui nous intéresser à une branche de l’Hindouisme, le Sikhisme, qui est né au Penjab (Pakistan) au XVIème siècle. Il a été fondé par des Sages qui ont voulu se démarquer de l’Hindouisme, et en particulier du système des castes.

Chez les Hindouistes, le premier principe, c’est qu’il y a une grande dichotomie entre le corps et une entité immatérielle que l’on appelle l’âme, et cette âme est immortelle. Cela se traduit d’une manière assez étrange, dans le sens qu’il y a une sorte de maturation de cette âme immortelle ; tant qu’elle est immature, elle continue à s’incarner de corps en corps, et lorsqu’elle atteint sa plénitude, elle cesse de se réincarner. Cela veut dire qu’il y a une séparation entre le corps matériel et l’esprit.

On peut déjà observer une singularité par rapport à notre école dite bouddhiste : les Bouddhistes considèrent qu’il n’y a pas de dichotomie entre le corps et l’esprit. Dans le monde bouddhiste, corps et esprit ne font qu’un, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences.

L’Hindouisme et ses différents courants (Hindouisme, Jaïnisme, Sikhisme), ont cependant un corpus commun, notamment l’idée du Karma, mot sanscrit qui veut dire action ; l’action est produite par des actions antérieures et produit des actions ultérieures. C’est la mécanique de causalité.

Les Sikhs croient à un dieu unique, créateur, qui n’a pas de forme, et qui est au-delà de toute compréhension humaine. Ils ont la particularité d’avoir la tête entourée d’un grand turban, ils se laissent pousser la barbe, et portent un sabre. Ils ont une grande tolérance pour toutes les religions ; ils jugent qu’elles sont toutes respectables et qu’elles n’ont pas à être combattues. Ils œuvrent plutôt, au travers du principe de tolérance, pour le dialogue et la compréhension mutuelle. Il n’y a pas de système de castes, et surtout ils respectent le principe d’égalité absolue hommes-femmes.

Contrairement aux Jaïns, les Sikhs ne sont pas du tout adeptes du principe de non-violence, car, selon eux, cela consisterait à se faire massacrer par les Musulmans. Il est vrai que dans le Coran il est écrit, même si c’est une interprétation discutable, qu’il faut tuer l’incroyant, ce qui n’est pas du goût des Sikhs : « Pas question de se laisser massacrer par des gens qui ont de telles idées ». Non seulement ils n’acceptent pas le principe de non-violence, mais ils ont créé une sorte d’armée chevaleresque. C’est un point de vue intéressant qui rappelle la chevalerie médiévale.

Les Sikhs ont également un principe de libre-arbitre et de tolérance. On pourrait donc dire que le Sikhisme est un courant réformateur de l’Hindouisme. Ils n’acceptent pas le mektoub des Musulmans, c’est-à-dire l’idée de soumission à un destin voulu par Allah.

Au XVIème siècle, le Guru Nanak (Pakistan 1469-1539) œuvre à une sorte de syncrétisme entre l’Hindouisme et l’Islam. Le principe est de mener une vie honnête, de faire le bien et d’éviter de faire le mal.

Alors que dans la plupart des religions, les fidèles invoquent le ciel par des prières pour avoir de l’aide dans les moments difficiles, les Sikhs n’attentent le salut que d’eux-mêmes. De même, la réalisation vient de soi et non d’une aide extérieure ; le but, c’est d’atteindre l’union avec ce qu’ils appellent Dieu.

Les Sikhs pratiquent les principes de fraternité, de pureté et de générosité, ce qui les conduit à ne jamais manger de viande, ne jamais boire d’alcool, ne jamais fumer. Ils ont aussi la singularité de ne jamais se couper les cheveux qu’ils laissent pousser depuis leur naissance, et qu’ils enroulent dans un turban autour de la tête. Pour eux, les poils et les cheveux procèdent de l’énergie vitale qui est de nature divine, c’est pourquoi ils les ont en quelque sorte sacralisés : on n’y touche pas !

Par contraste, on peut se demander pourquoi dans le monde du Bouddhisme Zen les moines et les nonnes se rasent la tête ? On pourrait aussi s’interroger au sujet de la tonsure chez les religieux occidentaux. Lorsqu’on est ordonné moine ou nonne Zen, on est invité à se raser les cheveux ; cet acte symbolique engage à couper la racine des désirs. Les cheveux peuvent être considérés comme une parure, idée que l’on retrouve dans l’histoire du hidjab musulman : la femme, objet de désir, se doit de cacher sa chevelure qui est un élément de séduction susceptible d’exciter les messieurs.

Les Sikhs, eux, pensent que tout ce qui est poil est de l’énergie vitale et que l’on ne doit pas y toucher, parce que c’est sacré. Ils appellent kesh, cette pratique de se laisser pousser les cheveux et la barbe ; cela symbolise l’acceptation de Dieu dans sa vie.

Dans l’univers bouddhiste, la coupe des cheveux, lors de la cérémonie d’ordination des moines et des nonnes, est un moment très fort. Il y a une forme d’abandon de quelque chose et une plus grande sensibilité à autre chose, comme si les cheveux qui étaient aussi une protection, étaient un empêchement d’être en lien avec.

A l’instar de l’Islam, les Sikhs ont un monothéisme radical, contrairement à l’Hindouisme où il existe de multiples divinités : Brahma, Vishnou, Shiva, Ganesh…

On pourrait considérer que ces Sikhs n’ont pas d’orthodoxie, mais plutôt une orthopraxie, c’est-à-dire un comportement juste et droit. On voit en ce sens que c’est un courant réformateur, parce qu’ils sont extrêmement moralistes. Ils ont la morale chevillée à leur comportement.

Les Sikhs utilisent 5 éléments (les 5 K) pour vivre leur religion au quotidien :

  • Kesch : des cheveux longs, jamais coupés.

  • Kirpa : une épée en acier, parce qu’ils refusent le principe de la non-violence. On retrouve ce côté chevalerie des récits du roi Arthur et des chevaliers de la Table ronde. L’instrument est valorisé : l’épée n’est pas seulement un outil de guerre, mais aussi un moyen de se défendre.

  • Kara : un cercle d’acier, sorte de bracelet qui évoque la force.

  • Kanga : un peigne en bois pour les cheveux, parce que pour eux, la propreté et la netteté sont des valeurs cardinales.

Ce peigne nettoie les 5 ennemis de l’esprit que sont : luxure, avarice, matérialisme, colère et égocentrisme.

Le moindre petit objet a une valeur symbolique et évocatrice très puissante. Le peigne en bois sert à démêler les cheveux, mais aussi à être propre et net, dans tous les domaines de la vie.

  • Kachera : un caleçon unisexe qui évoque à la fois la fidélité au couple et la fidélité à Dieu. C’est aussi un symbole de modestie, qui a un vague rapport avec le kesa ou l’habit du moine ou de la nonne bouddhiste porté en signe d’humilité.

Le Sikh est prêt à aider son frère en humanité, en tout temps et en tout lieu.

Les Sikhs reconnaissent le principe de transmigration des âmes et du karma, mais pas sous l’angle d’une fatalité. A raison d’une pratique morale importante, l’âme immature doit être travaillée, pour aboutir à une fusion avec la divinité qui est un Dieu unique.

Ce qui est vrai dans leur pratique, c’est que l’âme non réalisée parce qu’immature, aspire, aussi longtemps qu’elle est immature, à se réincarner. On retrouve cette notion dans le Bouddhisme, c’est-à-dire que la réincarnation signerait une sorte d’échec de la réalisation ou de l’éveil.

Chez les Sikhs, ce n’est donc pas par l’aide de la divinité mais par l’effort sur soi-même, par une pratique juste que l’on appelle l’orthopraxie, que l’on parvient à fusionner avec Dieu. Si on a une vue spinoziste de la définition de Dieu, Dieu signifie la nature, et les Bouddhistes auraient tendance à dire « la réalité ».

Qu’est-ce qui nous empêche cet accès à Dieu ou à la réalité ? Ce sont toutes nos vidéos mentales.

Je reviens à cette tradition qui consiste à « couper les cheveux » des moines et nonnes Zen lors de leur ordination. Si l’on compare les cheveux à nos vidéos mentales, cette pratique prend tout son sens.

L’obstacle à l’accès à la réalité (l’éveil), s’appelle l’égo, l’apparat, le masque, c’est-à-dire tout ce que l’on s’invente comme histoires ou mises en scène, mais qui n’a aucune réalité ; cela n’est pas notre être profond. Il s’agit d’une sorte de dédoublement. Que fait-on quand on pense à autre chose, sinon que l’on se dédouble ?

Le cœur de la pratique semble assez intéressant de ce point de vue-là, parce qu’on prend conscience que l’on peut quitter son corps. En fait, c’est une vue de l’esprit : « Je me sens presque à l’étroit dans ce corps-là… Ce corps, je ne l’aime pas parce qu’il n’est pas conforme à ce que je souhaiterais ».

Cela n’a rien à voir avec la schizophrénie qui est une maladie mentale. Le schizophrène ne sait pas faire la différence entre le schéma mental et la réalité, ce qui peut le conduire à des actes extrêmes.

La conscience a une qualité particulière, c’est qu’elle est de nature dite réflexive, c’est-à-dire qu’elle a conscience d’elle-même. C’est une capacité de l’esprit : « Je me rends compte que je pense ». Cela veut dire que je suis capable de prendre une distance.

Cette fonction dérive dans une erreur, qui fabrique une âme autonome. C’est cette capacité de prendre conscience de sa conscience, qui nous fait croire qu’il existe en soi, quelque chose de séparé, d’autonome, qui est détaché du corps.

C’est attitude humaine, intelligente, d’avoir conscience de sa conscience, dérive vers la conscience morale, c’est-à-dire une autorité qui est capable de juger du bien et du mal. Par contre, la fonction de dédoublement de la conscience, a l’inconvénient de faire prendre pour la réalité ce qui ne l’est pas.

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