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02 – Les apports du Jaïnisme

Le Jaïnisme ne concerne pas beaucoup de monde, environ 10 millions de personnes. Je me suis intéressé à cette religion, dans le cadre de mon exploration de « ce que l’on entend par réincarnation », dans tous les courants spirituels.

Ce qui est très curieux, c’est que les Bouddhistes ont, chez les non-bouddhistes, cette étiquette de croire en la réincarnation. En réalité, et cela se confirme par mes recherches, c’est plutôt l’inverse. La quasi-totalité des religions ont un espoir de réincarnation (la question est de savoir sous quelle forme), alors que les Bouddhistes, mis à part le phénomène des Tulkus, se préoccupent de la réalité des choses et non des projections mentales.

Dans l’approche Jaïniste que nous allons examiner, il y a déjà quelque chose de très étrange par rapport à l’Hindouisme. Les Jaïns considèrent que l’univers est sans début ni fin, et qu’il n’y a pas de Dieu créateur. C’est un point de vue intéressant, qui ressemble un peu au Bouddhisme au niveau de la doctrine et de la philosophie, contrairement à l’Hindouisme qui considère qu’il y a des cycles sans fin de création et de destruction de l’univers, orchestrés par un dieu qui est en fait une Trinité : Brahma, dieu créateur ; Vishnu, dieu du maintien ; Shiva, dieu destructeur.

Déjà au niveau de la doctrine et de la conception de l’ordre des choses, ce courant jaïniste qui semblerait dater de 1500 ans av. JC, est assez proche du Bouddhisme. D’aucuns ont pu dire qu’il s’agissait d’un matérialisme éthique, puisque matérialisme veut dire : « Je pars de l’examen assez fin de ce qui est sensible et de ce qui ne l’est pas, et j’en tire des conséquences, seulement par rapport à ce qui est doté de sensibilité et ce qui ne l’est pas ». Par exemple : une pierre, une tuile, du bois mort, ne sont pas dotés de sensibilité ; en revanche, les animaux, les êtres humains, les végétaux, à des degrés divers, selon la qualité de leurs sens, sont vivants et dotés de sensibilité.

Les Jaïns appellent Jiva, ce qui est vivant et animé, et a-Jiva, ce quine l’est pas. Cette distinction a dérivé vers une mauvaise traduction du mot Jiva, à partir du sanskrit. Jiva c’est-à-dire ce qui est animé, a été traduit par âme, anima en latin. L’anima c’est tout ce qui insuffle vie, le souffle créateur. Or, d’après ce que j’ai compris en étudiant le courant jaïniste, il s’agirait plutôt d’une sorte d’entité individuelle, dotée de plus ou moins les cinq sens, mais qui englobe les règnes humain, animal et végétal, et avec des conduites éthiques, c’est-à-dire la sacralisation au maximum de tout ce qui est vivant. a-Jiva, c’est tout ce qui est inerte, et Jiva c’est tout ce qui est animé, avec des qualités de perception et de sensibilité différentes, selon où on se trouve dans l’évolution. Si on est un champignon, on ne peut pas voir, et pourtant on est vivant.

Les Jaïns reconnaissent trois principes de vie :

  • Jiva : Ce qui anime la substance, improprement traduit par âme ;
  • a-Jiva : Les substances non vivantes (pierre, bois mort) ;
  • Karma : C’est une loi très importante, que l’on trouve également dans l’Hindouisme et le Bouddhisme. Le Jaïnisme serait un courant de l’Hindouisme, antérieur au Bouddhisme.

Cette loi du karma entraîne des servitudes très puissantes et des chaînes karmiques.

Le but du jeu, c’est essayer, autant que faire se peut, d’arrêter le flot karmique qui s’appelle Samsara et Nirvana (que l’on trouve dans l’Hindouisme et le Bouddhisme), au moyen d’une sorte « d’usure de la matière karmique », ce qui conduit à la délivrance ultime.

Il y a donc trois substances :

  • Jiva : les Jaïns pensent qu’il n’y a pas de dieu créateur, mais ils considèrent qu’il existe une entité immortelle (anima, jiva) qui englobe nos perceptions sensorielles, nos émotions, notre intelligence, notre conscience, et tout ce qui donne vie. C’est un principe sacré.
  • Pudgala : matériel et sans émotion.
  • Les immatériels et sans émotion.

La cosmologie des Jaïns est très intéressante :

  • Le temps et l’espace sont le principe du mouvement qu’ils appellent Dharma.

Dans le monde Hindouiste et le monde Bouddhiste, Dharma c’est la réalité telle qu’elle est.

  • Dans les âmes (Jiva) il y a deux catégories :
  • Les âmes libres de tout attachement passionnel ou corporel. Il y a des modèles de sages appelés les Thîrtankaras ou Passeurs de gué ou Faiseurs de ponts. En fait, ce sont des montreurs, mais plus que des montreurs, des accompagnants. Cela dérive sur la notion de maître dans le sens de pédagogue. Le panthéon jaïniste comporte 90 personnages, les Siddhas qui ont atteint l’illumination.
  • Les âmes qui sont liées à la transmigration dans le Samsara. Là, on retrouve les êtres humains, les animaux, les végétaux, tous les êtres vivants.

Les Jaïns retiennent de cette explication du monde, que tout Jiva est de nature sacrée ou en tout cas très importante, et ils agissent par le principe de non-violence, Ahimsa, qui consiste à ne jamais, quoiqu’il arrive, quoiqu’il en coûte, faire de mal à tout ce qui peut être de nature vivante. Cela va jusqu’à se mettre un voile devant la bouche, pour ne pas risquer de tuer la moindre bestiole.

On peut faire des objections avec les bactéries qui sont vivantes, mais que l’on passe notre temps à absorber, à transformer, etc…, mais c’est intéressant. Cela donne le principe d’une conduite éthique majeure : s’abstenir de toute violence de quelque nature qu’elle soit, verbale, psychologique, physique… Bien qu’Hindouiste, Gandhi (Inde 1869-1948) aurait été influencé par le Jaïnisme, pour le principe de non-violence.

Le principe de non-violence est un principe extrêmement intéressant, que l’on retrouve dans une autre philosophie qui s’appelle le Vitalisme, qui consiste à ne pas toucher à tout ce qui est de nature vivante. Nous en avons une illustration de nos jours, par les Végans purs et durs.

Par exemple, les Jaïns, s’abstiennent évidemment de manger toute sorte de viande, mais également du miel et des œufs, parce qu’ils pensent que c’est porter atteinte à la progéniture d’une famille. Et cela va encore plus loin : ils s’abstiennent de manger des pommes de terre, des carottes ou des navets, c’est-à-dire tout ce qui est sous terre qui peut, au moment où on le déterre, provoquer la mort de petits êtres vivants accrochés aux racines… Ils ne mangent que les légumes dont la partie comestible n’est pas enterrée, de manière à ne pas risquer d’ingérer le moindre insecte.

On constate que tout ce qui est interprétation de nature dogmatique, prise pour une vérité absolue, dérive sur des comportements-œillères. Ce qui pouvait se comprendre vers 2500 av. JC, lorsqu’on ignorait l’existence des microbes et des bactéries, devient compliqué de nos jours, où l’on commence à percevoir le monde vivant, invisible à l’œil nu, de l’infiniment petit.

« Ne pas porter atteinte à la vie« , est le premier précepte bouddhiste. Le principe de non-violence est intéressant. Ayant eu l’occasion de côtoyer l’univers politique des Verts, j’ai constaté une sorte de doctrine de comportement éthique, qui consistait à dire : « On doit résoudre tous les problèmes par non-la violence ». Un autre dada, c’était l’Esperanto, c’est-à-dire la langue universelle qui permettrait de communiquer avec tout le monde, partant du principe que la construction de la Tour de Babel est la cause de la multiplication des langues.

Le principe de non-violence vaut la peine que l’on s’y arrête quelques instants : on peut se dire que, si on en faisait une sorte de règle de conduite dans notre vie, on pourrait s’économiser beaucoup de souffrances.

Les Jaïns ont 5 vœux majeurs :

  • Le principe de non-violence : ne jamais faire de mal à la vie qui est le bien suprême.
  • Le principe de sincérité : ne jamais raconter de mensonges.
  • Le principe d’honnêteté : ne pas voler, ne prendre que ce qui est donné.
  • Le principe de fidélité : pratiquer une chasteté absolue, c’est-à-dire ne jamais être concerné par les désirs au sens large, comme le désir de possession, par exemple. Nous avons pu voir dans certains reportages, cette image un peu surréaliste de gens tout nus, peints en blanc, qui se promènent en mendiant leur nourriture ; parfois même, ils se passent de manger. C’est une des formes monastiques des Jaïns.

Il y a aussi une forme dite laïque, qui permet un compagnonnage affectif, mais avec un principe de fidélité absolue envers son compagnon de vie ; il n’y a pas d’incartade.

  • Le non attachement aux choses du monde.

Nous avons déjà évoqué le Sâdhu, ce personnage tout nu qui se promène avec un foulard devant la bouche pour ne pas tuer d’insecte. C’est un ascète qui n’a aucune possession ni propriété de quelque nature que ce soit.

De quoi serions-nous propriétaires d’ailleurs ? Il y a beaucoup de sagesse là-dedans ! Ne sommes-nous pas seulement locataires éphémères de ce que l’on croit nous appartenir ? La propriété est un temps de possession momentanée qui s’arrête avec la mort. Même la propriété au sens du droit français, garantie par la Constitution, cela se transmet ! Et nos propres cellules, en sommes-nous propriétaires ? Nous en sommes les détenteurs précaires, quelque part !

Non-attachement : aucune propriété, probité sexuelle, chasteté pour les Brahma, fidélité absolue pour les laïques, et célibat absolu pour les moines.

Le Sâdhu mange une fois par jour, et le rituel de son repas est assez étrange : alors qu’il est tout nu, il est entouré de trois ou quatre personnes habillées (il peut y avoir des dames), qui lui offrent de toutes petites portions de nourriture. Cette nudité ne peut être envisagée pour les femmes, car elles courraient plus que les hommes, le risque de se faire agresser, dans un monde où les Jaïns sont rares.

L’Inde compte un milliard trois cent millions d’habitants, les Jaïns sont dix millions et la plupart sont laïcs. Donc, les moines (tous courants religieux confondus) ne sont pas la majorité de la population. Les Sâdhus, un peu comme nos moines catholiques, sont des renonçants au monde.

Il y a l’histoire des nonnes et des moines Zen. Qu’est-ce qu’ils abandonnent ? Quel est l’ordre des priorités ? La nonne ou le moine Zen, c’est celui qui fait de sa pratique le cœur de sa vie, son centre. La pratique n’empêche pas d’avoir un travail, d’être à la retraite, d’avoir une vie affective. L’important c’est : « Comment orienter sa vie ? »

La définition pure et dure, puisque moine ça vient de monos en grec qui veut dire Un, c’est d’être un renonçant au monde, et vivre dans un monastère. Dans le monde Zen japonais du XIXème siècle, on s’est aperçu que ce n’est pas réaliste d’être un renonçant absolu à tout. Il n’est pas réaliste de renoncer à travailler ; chez nous, beaucoup de moines fabriquent de la bière ou du fromage. Ce n’est pas réaliste non plus, de renoncer à une vie hormonale sexuelle, et cela n’a pas de sens. Les extrêmes peuvent conduire à des dérives potentielles comme la pédophilie par exemple.

En tout cas, chaque fois que l’on va aller du côté d’une exigence extrême, on va passer outre sa véritable nature, et on va abîmer le principe d’honnêteté. Le principe d’honnêteté, est quand même à la base d’une vie sociale harmonieuse. Pourquoi y a-t-il un interdit de mentir, par exemple ? Au bout d’un moment, on ne s’y retrouve plus ! Tôt ou tard, le mensonge crée un théâtre de fausseté.

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